Le Royaume de l'Imagination

Textes personnels de fiction

posté le 26-02-2009 à 03:01:39

HORS DU TEMPS:Extraits choisis.

 

 

 

 

Extraits choisis de la suite de Hors du temps

 

 

Après avoir lu les premiers chapitres que je vous ai présentés, voici maintenant des extraits

 choisis concernant la suite de l'histoire.

 

 

 

EXTRAIT 1


Le bruit de la vaisselle cassée le fit se retourner brusquement. Il regarda par terre. Le serveur venait de faire tomber une assiette à ses pieds. Il était en train de se dire qu'à quelques centimètres près elle se serait brisée sur ses chaussures, lorsqu'il se sentit bousculé. Une voix féminine s'excusa. Il leva la tête. Il mit un moment à réaliser. Il ne vit que ses yeux; il était littéralement plongé en eux. A s'y noyer.

 

Elle aussi ne pouvait détacher son regard du sien. Le temps semblait s'être arrêté autour d'eux. Tandis qu'il la regardait, il se sentit soudainement renversé en arrière, avec une force et une rapidité surprenante. Il tomba à la renverse...dans un parterre de fleurs. Alors seulement il remarqua que le paysage avait changé autour d'eux. Ils étaient dans le jardin où elle lui avait offert la précieuse fleur. Elle se pencha sur lui et il vit qu'elle la tenait dans ses mains. Elle lui caressa les lèvres avec la fleur. Il ferma les yeux. Les pétales étaient si doux, comme un baiser. Lorsqu'il rouvrit les yeux, il était de nouveau dans la pizzeria, face à elle.

Il voyait pour la première fois son visage dans la réalité, et plus il la regardait, plus il réalisait à quel point il était gravé dans son âme. A quel point il le connaissait. Il ressentait l'intensité de tous les moments vécus avec d'elle, même ceux dont il n'avait pas le souvenir, sans pouvoir les saisir. Elle remuait ses lèvres, comme si elle souhaitait parler mais qu'aucun son ne pouvait sortir de sa bouche. Lui y parvint finalement. Il murmura:

-Oshairana...

 

 

 


 

EXTRAIT 2

 

-Tu ne changeras jamais.

Ce fut la dernière chose qu'il pût entendre, avant de s'écrouler sur le sol, inerte.

 

Axel ouvrit les yeux à une autre réalité. Où était-il? Etait-il mort? Il était assis sur une chaise. Il tourna la tête dans tous les sens, désorienté par ce qu'il venait de vivre. La pièce dans laquelle il se trouvait lui rappelait quelque chose, mais il était bien trop paniqué pour parvenir à s'en souvenir. Il essayait mais... son regard se heurta au visage d'un homme qui l'observait sereinement. C’était...

-Axel, c'est moi, dit l'homme. Monsieur Ramuzotti, ton hypnothérapeute. La séance d'hypnose est terminée.

Axel se leva brusquement de la chaise.

-De quoi parlez-vous? S’exclama-t-il.

-Calme-toi, mon garçon. Assieds-toi, veux-tu.

-Je ne comprends pas, je ne vous ai vu que deux fois. La première fois, lorsque nous avons discuté, et la deuxième, lorsque vous m'avez hypnotisé.

-Cette deuxième fois c'est toujours aujourd'hui.

-Je... bredouilla Axel, je ne vous ai pas vu depuis plus d'un an!

-Tandis qu'il s'est écoulé une année entière dans ton esprit, il ne s'est écoulé qu'une heure dans la vie réelle, c'est-à-dire le temps d'une séance. Axel, ton esprit a voyagé dans le futur.

 

 

 


 

EXTRAIT 3

 

Sur le fond noir, se détachait une image aux couleurs surnaturelles. (...) Elle ressemblait à un ange.

«Axel... dit-elle. Tu m'as oubliée»

«Il faut que tu te souviennes», reprit-elle en posant délicatement sa main étincelante de lumière sur le front du jeune homme.

Aussitôt, des images défilèrent à son esprit à la vitesse de la lumière. En quelques secondes, des années entières de vie s'écoulèrent devant ses yeux.(...)

 Maintenant que son passé lui était revenu, cette nouvelle provoqua en lui une blessure presque concrète, comme si tout son être se déchirait. Il s'effondra sur le sol, comme frappé par la foudre. Il ouvrit la bouche pour hurler, mais aucun son n'en sortit.La belle créature se pencha au-dessus de lui, calme et silencieuse. Il plongea doucement dans l'émeraude sombre de ses yeux. Il planait dans du vert, uniquement du vert. Rien d'autre qu'un abîme sans commencement ni fin de vert, une couleur paisible et harmonieuse, un océan de vide coloré. Peu à peu, des formes apparurent dans ce vert. Des formes de fleurs. Un jardin. Le jardin d'Amset et d'Oshairana. Un jardin de sons harmonieux d'oiseaux, de cascades...

-Ca va mieux? lui dit-elle. Maintenant, tu peux entendre la vérité.

 

 

 


 

EXTRAIT 4

 

 

-Le Mal vient de la Terre, du moins des hommes, et de nulle part ailleurs. Donc...

Elle avala sa salive avec peine, puis poursuivit:

-Donc nous revivons les pires atrocités à travers différentes époques, dans la peau de victimes ayant réellement existé. Nous allons rencontrer le Mal sous toutes ses formes, une conception possible du Diable. La bonne nouvelle, c'est que tout n'est qu’illusion, la mauvaise... c'est que ça ne change rien pour nous. Nos ressentis sont les mêmes que lorsque nous avions vraiment un corps. Tu peux voir cet endroit un peu comme une salle d'attente de l'Enfer.

-Tu n'es pas sérieuse?

Il manqua de tressaillir. Ce ne pouvait pas être la réalité. Il fallait qu'il se réveille. Il se pinça le poignet. Cela lui sembla on ne peut plus réel.

 

 

Droits d'auteur des textes protégés. Toute reproduction partielle ou totale est strictement interdite et passible de poursuites judiciaires.

 

 

 

 

 


Commentaires

 

1. anaflore  le 26-02-2009 à 06:18:37  (site)

bonne continuation

2. ivressedecrire  le 27-02-2009 à 01:32:44  (site)

Merci Anaflore pour tes encouragements

3. Coconuts  le 02-03-2009 à 19:16:36  (site)

********
Bonsoir,
je suis désolée pour inscrire son blog aux vef awards le blog doit avoir été crée avant le 7 février 2009

extraits du règlement :

17. Les blogs ouverts avant le 7/02/09 pourront proposer leur blog dans une des catégories.

18. Les blogs inscrits devront avoir été ouverts avant le 7 février 2009 et contenir 10 articles au minimum.

http://awards2009.vefblog.net/1.html#_REGLEMENT_VEF_AWARDS_2009

 
 
 
posté le 26-02-2009 à 01:50:40

HORS DU TEMPS:Poème

 Extrait du journal intime d'Axel Ray

 


 

Serment d'amour

 

Dans cette nuit empreinte de solitude silencieuse,

Le sommeil ne veut pas bercer ma mélancolie fiévreuse.

Je contemple les tourments d'illusions de mon esprit

J'observe la voûte des cieux de ce monde incompris

J'attends qu'un ailleurs m'aspire en son sein,

Dans un lieu où je pourrais hurler à ma guise en vain.

 

La lune me regarde de toute la lumière de ses espoirs

Comme les miennes ses larmes sont cachées en son miroir

Elle contemple toutes ces amours, ces tristesses

Elle demeurera encore jusqu'à ce que cela ne cesse

Tandis que nos êtres auront rejoint le néant ou l'ivresse

Dans la pureté d'une fin de délicatesse.

 

Mes pensées s'élèvent ainsi au-delà de mille merveilles

Et soudain j'entends la lune chanter à mon oreille.

Son langage cristallin me parvient depuis l'immensité

Parce-que je suis le premier à avoir daigné l'écouter

Elle me dit que le monde lui raconte de jolies histoires

Et qu'elle va en offrir une au secret de ma mémoire.

 

Sa voix irréelle raisonne jusqu'au lever du jour

Tandis qu'elle chante pour moi ce serment d'amour:

 

 

-Sache que je n’aurai de cesse de te chercher

Dans la solitude ou la pureté d’un paysage

Même si une part de moi t’aura oubliée

J’avancerai toujours vers ton visage

Sous quelque forme qu’il soit, ma bien-aimée.

 

-Si je pouvais faire un vœu se serait

De pouvoir éternellement me rappeler

Que tôt ou tard à jamais je te retrouverai !

 

-Ce sera bientôt le moment

De prendre des chemins séparés

Avec pour seul souvenir une histoire oubliée.

A toi ma pensée qui résiste au temps,

Toi dont je fais partie douce amie,

Je souhaite que cette vie

Qui va t'emporter loin de moi

Te soit purifiante et enrichissante

Afin que de retour face à toi,

Je découvre une âme plus savante,

Une reine encore plus belle qu’autrefois.

 

Du dernier frôlement de leurs âmes unies

Naît le délicat «je t’aime»

Et tandis que les perce la lame de la vie

Ils ne savent plus qu’ils s’aiment.

 

 

Droits d'auteur des textes protégés. Toute reproduction partielle ou totale est strictement interdite et passible de poursuites judiciaires.

 

 

 


 
 
posté le 25-02-2009 à 23:35:26

HORS DU TEMPS:Chapitre 1, 2 et une partie du 3

 


CHAPITRE 1

 

 

Les longs cheveux noirs de la belle Egyptienne brillaient doucement dans l'ombre. La lumière tamisée de la pièce révélait l'ambre de sa peau, qui semblait avoir été taillée dans l'or pareillement aux statues qui les entourait. Sa beauté semblait surnaturelle.

Il sentait son souffle contre son visage tandis qu'elle lui murmurait des choses incompréhensibles en souriant. Sa voix se fit peu à peu distincte.

-Je t'aime comme la lune.

Puis il se produisit un fait étrange. Il se vit lui parler comme s'il n'était que spectateur de la scène. Il observa sa propre image réagir de façon indépendante.

-Tu m'aimes comme la lune?

Elle écarta le lourd rideau aux riches couleurs pour lui laisser entrevoir le ciel plongé dans la nuit à peine éclairé par une lune dorée, et reprit:

-Ce paysage me fait penser à un poème d'amour. A notre poème d'amour.

-Dans ce cas, lui dit-il, moi je t'aime comme le soleil.

-Pourquoi comme le soleil?

-Ses rayons éblouissants qui emplissent toute chose de lumière me font penser à toi.

Elle lui sourit, et ce sourire lui fit véritablement penser à un petit soleil illuminant son visage.

Il se vit la prendre par la taille et lui chuchoter dans le cou:

-La lune et le soleil, que tout différencie. Toi, reine de mon cœur, et moi, roi de mon peuple.

L'éclat doré des yeux de la jeune femme sous son épaisseur de cils noirs l'envoûta un instant tandis qu'ils se plongèrent dans les siens. La douceur de sa voix le fit frissonner lorsqu'elle lui dit:

-Mais la lune et le soleil ne se rencontrent jamais.

 

 

Il se réveilla. Où était-il? Où était la belle Egyptienne sortie tout droit du règne de Cléopâtre?

Son absence soudaine créa en lui un vide immense, comme s'il la connaissait depuis toujours. Il ne savait pas où il était et avait oublié la réalité dans laquelle il vivait. Il ne savait qu'une chose, c'est que si la jeune femme n'y était pas, il n'avait aucune envie d'y être lui non plus. Il avait ouvert les yeux mais ne distinguait pas encore bien ce qui l'entourait: les couleurs et les formes se mélangeaient. Il lui fallut un moment avant de réaliser qu'il était dans une chambre blanche et froide; alors seulement il fit attention au visage de l’homme au-dessus de sa tête. Cet homme qui lui parlait mais dont la voix se confondait avec le silence ou plutôt le bourdonnement de sa tête qu'il interprétait comme du silence.

Mais il était déjà ailleurs.

Il sombra de nouveau, cette fois dans un monde noir et vide.

«Vous avez subi un grave accident»

La voix venait de nulle part, du néant, à moins que ce ne soit de son imagination.

«Quel est votre nom...?» Quel était son nom? Il était persuadé qu'il le connaissait mais... à vrai dire, il ne parvenait pas à s'en souvenir exactement... quelle était sa consonance? Il l'avait au bout des lèvres. Il ressentait qui il était, lui et son passé, mais les images et les mots ne venaient pas.

Peu à peu, l'image de l'homme qu'il avait vu précédemment penché au-dessus de lui apparaissait dans son champ de vision, comme l'aurait fait un fantôme.

«Je suis votre médecin»

Il refaisait surface dans la réalité. Il n'en avait pas envie. Il voulait repartir en Egypte. Avec elle.

Il parvint avec peine à articuler:

-Quel est mon nom?

-Vous vous appelez Axel Ray. Quant à moi je suis le docteur Régis, je me suis occupé de vous lorsque vous étiez dans le coma. Par ailleurs, vous avez été cliniquement mort durant quelques secondes. Il semblerait que le traumatisme que vous avez subi ne vous ait causé une perte totale de la mémoire.

 

 

 

 

 

 

«Je m'appelle Axel Ray. C'est la chose dont je sois le plus sûr.

Lorsque je me suis réveillé, je ne me souvenais plus de rien, comme si je n'avais jamais eu de vie. Comme si j'avais commencé à exister dans cet hôpital, à l'âge de vingt-cinq ans. Enfin, je me souviens d'une chose. Un rêve que j'ai fait avant de me réveiller. Un rêve qui hante toutes mes pensées, qui me semblait bien plus réel que ce tout que je vis en ce moment. D'ailleurs, quelle est la réalité? Et si c’était ce médecin, cet hôpital, cette amnésie qui étaient un rêve? Et si la réalité était en Egypte avec la femme mystérieuse? Il faudrait dans ce cas que je me réveille.

Je commence à devenir fou. Le médecin m'a conseillé de tenir ce journal intime en y écrivant tout ce qui me passe par la tête, pour m'aider à recouvrer la mémoire. Mais la vérité c'est que je n'ai envie de parler que d'une chose: elle. La femme d'un simple rêve. Son visage est gravé dans ma mémoire comme le plus réel des souvenirs. Ce visage existe forcément, elle existe forcément, autrement comment pourrais-je tomber amoureux d'une création de mon propre esprit? J'ai moins été émerveillé par sa troublante beauté que par la force des sentiments qui m'animaient en sa présence, comme si j'avais vécu une véritable histoire d'amour avec cette femme.

Je perds la raison. Tout cela est insensé. Mon rêve avait lieu à l'époque des pharaons. »

Axel referma son cahier.

«Tout cela est insensé», répéta-t-il.

Il jeta un coup d'œil au miroir au-dessus de lui. Étant assis, il ne pouvait y voir son reflet. Il se souvint qu'à l'hôpital, il avait redouté l'étape du miroir. Il avait eu peur d'y voir une image différente de celle qu'il s'était faite de lui-même. Et il avait eu raison.

Il inspira profondément et fit défiler dans sa tête les images de ce souvenir qu'il gardait jalousement comme un trésor de son esprit -il connaissait à présent la véritable valeur du souvenir en lui-même.

 

 

 

 

L'étape du miroir. Le docteur Régis était à ses côtés et lui adressait des regards qui ne trahissaient que trop son inquiétude au sujet du déroulement de cette séance.

-Cette étape est primordiale, dit-il alors sur un ton qui se voulait professionnel. Elle peut être le facteur déclencheur de votre mémoire.

Axel ferma les yeux. Son rêve lui apparut telle une vidéo que l'on peut rembobiner ou bien mettre sur pause à sa guise. Il vit alors sa propre image parler à l'Egyptienne, comme s'il était extérieur à la scène. Il se voyait comme un beau jeune homme aux traits purs et réguliers, à la peau couleur de bronze et aux grands yeux d'un noir profond. La netteté des détails gravés dans son esprit était impressionnante, tout à fait singulière pour un rêve, généralement flou et truffé d'incohérences. Axel se surprit à se demander comment il pouvait être amnésique avec une mémoire pareille.

-Vous êtes prêt?

Il leva lentement les yeux et acquiesça d'un léger signe de tête.

Le médecin tourna alors le miroir vers lui, et là... stupeur!

Le miroir lui renvoya le reflet d'un inconnu. Un jeune homme aux cheveux châtains tendant vers le blond, et à la peau très claire. Son visage fin était si différent de celui qu'il avait dans son rêve! Il s'observa un instant, dans l'incompréhension face à lui-même, et la tête lui tourna. Il s'appuya au mur derrière lui.

-Qu'est-ce qui ne va pas, monsieur Ray?

 

 

La voix du docteur Régis résonnait encore dans sa tête. Dans son rêve, il savait qu'il s'agissait de lui-même, la question ne se posait même pas, car justement ce genre de question ne se pose pas dans les rêves! Mais le visage que lui avait renvoyé le miroir n'éveillait pas le moindre souvenir en lui. Il se leva brusquement du canapé pour être à hauteur de la glace.

Il eut de nouveau l'étrange, l'inexplicable impression que ce n'était pas son reflet qu'il y voyait, mais celui d'une autre personne. Il secoua la tête en pensant malgré lui qu'il s'était peut-être réveillé dans la peau d'un autre homme. «Je perds la raison», se dit-il en chassant sa pensée de la main comme s'il pouvait la palper. Il resta un moment à se regarder, et se surprit à le faire sous un angle différent. Au lieu d'observer l'ensemble de ce qu'il voyait comme un tout, il s'approcha du miroir et se regarda pour la première fois droit dans les yeux.

Et son propre regard le pétrifia. Il était impossible de confondre ces yeux. De grands yeux d'un noir profond.

«Je suis l'homme de mon rêve. Mais je n'ai de lui que ses yeux. Et peut-être son âme, qui sait. Qui sait... ?» Ce furent les derniers mots qu'il put inscrire dans son journal avant de sentir la fatigue l'emporter.

 

 

Elle était très belle ce matin, aussi fraîche que les fleurs qui buvaient la rosée dans jardin où ils se trouvaient. Sa délicate robe de voile était rouge comme la passion qu'il éprouvait à son égard.

-Les déesses doivent être jalouses de toi, lui dit-il en guise de bonjour.

-Mais je suis ta déesse, lui susurra-t-elle.

-C'est vrai, et je ferai tout ce que ton cœur pourrait souhaiter au plus profond de lui-même.

Elle rit. Il se dit en la regardant qu'elle n'était pas une beauté glaciale et lointaine comme le sont de nombreuses femmes très belles mais plutôt une jeune femme rayonnante de grâce naturelle et dont la vie et l'innocence émanaient de l'être tout entier.

Elle cueillit l'une des fleurs qui lui paraissait la plus jolie parmi celles qui se trouvaient à ses pieds et la lui tendit.

-Tu m'offres une fleur? , s'étonna-t-il.

Les yeux de la jeune fille brillaient de malice.

-Oui. Pourquoi cela est-il si surprenant?

-Ce sont généralement les hommes qui offrent des fleurs aux femmes.

-Je n'aime pas que les conventions guident mes actes. Je veux être libre d'agir et d'aimer de la manière que je veux.

Son rire se répandit de nouveau dans la douceur de la journée.

Elle s'approcha de lui et reprit:

-Je te l'offre parce-que le mot fleur rime avec cœur. En te l'offrant, je t'offre matériellement mon cœur.

Leurs lèvres s'unirent en un baiser. Ils restèrent un moment silencieux l'un contre l'autre, puis il lui dit en contemplant la fleur dans ses mains:

-Maintenant, je vais devoir prendre grand soin de cette fleur. Je ne permettrai jamais qu'elle meure. Viens avec moi.

Elle le suivit:

-Où vas-tu?

-Prier les dieux qu'elle soit éternelle.

 

 

Il pleuvait à verses au-dehors quand il se réveilla. Les gouttes de pluie martelaient la vitre de sa fenêtre avec violence et irrégularité. Ce fut à ce moment qu'il réalisa qu'il était sur le canapé et non pas dans son lit. Mais cela n'avait pas d'importance. Il avait encore rêvé de sa vie en Egypte. Avec elle. Il regrettait amèrement de s'être réveillé. Il voulait la retrouver. Il se recoucha en espérant y parvenir.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, le jour l'éblouit. Il lui semblait ne pas avoir rêvé, comme s'il avait erré, inconscient, dans un trou noir sans espace ni temps.

Après avoir effectué sa toilette, il se dirigea vers la cuisine et fit bouillir de l'eau pour son café. Une journée d'ignorance recommençait. La deuxième depuis qu'il était sorti de l'hôpital.

«Qui suis-je? , avait-il demandé à son médecin.

-Vous êtes Axel Ray, un jeune homme qui fêtera son vingt-cinquième anniversaire dans deux mois. Vous êtes étudiant.

-Et qu'est-ce que j’étudie?

-Vous préparez un master d'Arts Plastiques à l'université.

-Alors j'aime l'art. C'est déjà ça, avait-il soupiré. Quant à ma famille?

Le docteur Régis avait alors marqué un silence, silence qui lui avait paru très long. Et douloureux.

-Quant à ma famille, docteur? , avait-il répété plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.

-Je suis navré, Axel.

Il l'avait appelé par son prénom. Ce n'était pas un bon signe. Il avait alors reprit:

-Vous êtes orphelin.

Il avait avalé sa salive avec peine avant de demander à voix basse:

-Mes parents sont morts quand j'avais quel âge?

Il se rappelait parfaitement le regard du médecin à ce moment précis. Il sut alors que le sujet que ce dernier redoutait tant d'aborder était venu.

-Ils sont morts d'un accident de voiture lorsque vous étiez dans le coma. Il y a deux semaines de cela. »

Axel chassa le souvenir de cette discussion d'un mouvement de la tête. Et se laissant tomber sur la chaise, il pleura sans parvenir à s'arrêter.

 

 

 

«Mes parents sont morts brusquement en me laissant cette maison, dans laquelle j'ai pu trouver quelques photos d'eux. Mais je ne les connais pas. En tout cas l'Axel Ray qui s'est réveillé du coma il y a quelques jours de cela ne les connaît pas. Leur image n'éveille rien en moi, si ce n'est le regret de ne pas me rappeler d'eux. Je suis fils unique tout comme le sont eux-mêmes mes parents. Je n'ai pas d'ami qui ai tenté de prendre de mes nouvelles. Je suppose que je dois en avoir à l'université mais nous ne sommes peut-être pas assez proches pour conserver des contacts. Lorsque j'y retournerai, je verrai bien.

Mais comment pourrais-je reprendre une université d'arts en première année de master alors que je ne connais strictement rien à l'art? Je ne sais même pas si je sais dessiner une fleur!

J'ai cependant un espoir. Mes grands-parents maternels qui sont dans une maison de retraite. Sûrement pourront-ils m'éclairer sur mon passé. Je vais aller les voir ce matin même.

J'ai le sentiment d'être seul au monde mais toi, mon journal, tu es là et tu m'écoutes. Tu es le témoin de ce qui m'arrive. Pour cela, je te suis reconnaissant. »

Il cessa de suçoter le capuchon de son stylo à bille pour boire son café.

«Quelle vie, soupira-t-il. Et c'est tombé sur moi! »

Il alluma la télévision. Il changea de chaîne jusqu'à en conclure qu'il n'y avait rien qui l'intéressait, puis se leva pour choisir un DVD parmi ceux empilés sur l'étagère à côté de la télévision. Il remarqua alors une épaisse feuille de dessin au format A4 qui s'était glissée entre le meuble et le mur. Il s'en empara sans attendre et eût le souffle coupé en y contemplant une peinture d'une grande beauté. Il s'agissait du portrait d'une jeune fille rousse aux joues à peine parsemées de taches de rousseur et aux yeux verts. Elle devait avoir une vingtaine d'années. La peinture était signée en bas «Axel Ray.

«C'est moi qui aie peint ça», souffla-t-il, béat.

Il devait avoir beaucoup de talent, l'œuvre était magnifique, époustouflante de réalisme. Il était stupéfait. Une chose le tracassait cependant: cette jolie rouquine était-elle une pure invention de son esprit ou la connaissait-il? Et si elle était sa petite amie?

Un bruit le fit alors sursauter. L'horloge du salon avait sonné les dix heures. Il inséra le DVD d'une comédie musicale dans le lecteur pour ne pas avoir à suivre un film en entier, juste histoire de se détendre un peu et de s'occuper en prenant son petit déjeuner. Il glissa la peinture dans le grand cahier qui lui servait de journal intime avant de reprendre place sur le canapé.

 

 

 

Une heure plus tard tout au plus, son moment de détente touchait à sa fin et il était en route vers la maison de retraite où résidaient ses mystérieux grands-parents.

«Bonjour, je souhaiterais voir mes grands-parents, monsieur et madame...

-Mais bien sûr, Axel, le coupa la jeune femme blonde avec un sourire chaleureux.

-Pardon, je vous connais?

-Oui, nous nous sommes vus plusieurs fois. Vous veniez souvent en compagnie de vos parents. Vous ne vous rappelez pas de moi? , lui répondit-elle en fronçant les sourcils.

-Je suis désolé, je... je suis amnésique suite à un accident... quant à mes parents, ils sont décédés il y a de cela quelques semaines...

Elle porta la main à sa bouche, l'air horrifié. Cela fit une sensation étrange à Axel de voir sa vie ainsi résumée en quelques mots. Il réalisa à quel point elle pouvait apparaître tragique.

-Je suis vraiment navrée, Axel, c'est terrible...

-Ne vous inquiétez pas, ça va aller, fut tout ce qu'il trouva à lui dire, à la fois gêné par cette compassion spontanée, et heureux de pouvoir partager sa tragédie avec une autre personne que son médecin.

Il la suivit ensuite dans une grande salle peuplée uniquement de personnes âgées. Il balaya la pièce du regard en se demandant s'il pouvait reconnaître ses grands-parents, bien qu'il fût incapable de reconnaître ses propres parents.

La petite dame blonde s'arrêta alors à hauteur de deux personnes assises sur des chaises au fond de la salle.

«Axel est venu vous voir, leur lança-t-elle gaiement en leur souriant.

-Qui c'est, celui-là? Et qu'est-ce qu'il nous veut? , demanda la dame âgée en plissant les yeux vers son mari, qui hochait stupidement la tête, les yeux dans le vide.

Axel les regarda l'un après l'autre sans comprendre.

-Excusez-les, lui dit doucement l'employée, ils délirent. Ils sont atteints de la maladie d'alzheimer.

Il eût envie de hurler.

 

 

 

 


 

CHAPITRE 2

 

 

-Ma délicieuse lune, votre fleur s'est fanée. Je suis très triste.

La jolie Egyptienne lui caressa la joue.

Il pourrait contempler pendant des heures son visage baigné de la lumière du jour.

-J'ai oublié de te dire, lui dit-elle, que ce n'est pas ce qui est matériel qui compte. Mon cœur matériel n'a pas beaucoup d'importance.

-Pour moi si! , s'exclama le jeune homme en posant immédiatement sa main sur la poitrine de la jeune femme comme s'il voulait la protéger de ces mots.

Elle lui sourit avec tendresse.

-Non, mon doux soleil, je ne suis pas éternelle. Mon cœur ne l'est donc pas non plus. Cette chair n'a pas plus de valeur qu'une autre. En revanche, mon amour pour toi est éternel. Mon âme t’aimera toujours et ne t’oubliera jamais, même si la maladie me faisait oublier tout ce que j'ai vécu. Maintenant que tu sais ça, la mort de cette fleur ne compte plus, et ma propre mort ne compterait plus.

Il fronça les sourcils. Le simple fait de penser à la mort de sa bien-aimée lui était insupportable. Mais il avait saisi le sens de ses paroles. L'amour, tout comme l'âme, est plus fort que tout le reste, plus fort que la vie, et plus fort que la mort.

-Quoi qu'il arrive, reprit-elle, si jamais tu ne devais retenir qu'une chose de cette vie et de tous nos moments passés ensemble, retiens cela. Rien d'autre n'a d'importance.

Il la prit dans ses bras. Il se prit alors à penser au temps qui passe, aux aléas de la vie sur lesquels on n'a aucun contrôle, à la vieillesse... et il se dit qu'elle lui avait fait un très beau cadeau. Elle lui avait demandé de ne jamais oublier l'éternité de leurs sentiments, et ce qui était important pour elle revêtait une importance des plus grandes pour lui. Grâce à elle, il pourrait surmonter les pires épreuves. Car il n'oublierait jamais cela, il le lui avait promis.

 

 

 

 

Axel resta un moment dans son lit avant de se lever. «Ces rêves ne sont pas des rêves anodins, se dit-il. J'en suis maintenant certain. Je ne connais pas le nom de cette femme, mais je ressens intensément son existence. » Ses rêves étaient impressionnants de réalisme. Il avait l'impression de pouvoir toucher les arbres aux belles couleurs, le délicat tissu des robes de la jeune Egyptienne rien qu'en se remémorant son rêve.

Il prit son journal pour faire resurgir les événements de la veille à son esprit et se souvint avoir appris que ses grands-parents avaient la maladie d'alzheimer. Il lui fallait donc éliminer l'aide de ses proches pour l'instant. Et si les réponses qu'il cherchait étaient tout près?

Sous le coup d'une impulsion, il se rendit dans sa chambre. Une petite chambre chaleureuse aux agréables décorations bleues et vertes. Quels secrets pouvaient bien renfermer cette pièce d'apparence si paisible? Il décida de commencer par le bureau, sur lequel était posé divers livres. «Le nu esthétique», «Comprendre l'œuvre de Kandinsky»... Il souleva les livres et découvrit des cahiers. Il les feuilleta. Ils contenaient des corrections de dissertations sur l'art. Des cahiers de cours. Puis il aperçut une étagère à gauche de l'ordinateur. Il passa la main à l'aveuglette à l'intérieur. Elle contenait différentes pochettes cartonnées grand format. Il trouva dans la première une feuille à dessin sur laquelle était représenté un montage d'images fait par informatique, représentant deux traces de pas dans la terre. L'une étant une marque de pieds déformés, dans laquelle était posée des pieds humains, et l'autre étant une trace de pieds humains, mais dans laquelle marchaient des pieds qui semblaient être ceux d'un être difforme, peut-être extraterrestre. Axel retourna la feuille: il y était écrit au crayon à papier: «Sujet: Représentez la relation. Et plus bas: «Commentaire de l'élève: Afin de représenter la relation, j'ai souhaité pousser la différence à l'extrême entre deux êtres -et pour cause, ils appartiennent à deux planètes différentes- et montrer que tous deux marchent dans les pas l'un dans l'autre et donc avancent dans une même direction. Malgré leurs différences, leur chemin, leur but est commun. La relation existe parce-que tous les êtres sont justement liés, quels qu'ils soient. Un peu de nous-mêmes se trouve au fond d'autrui, un peu de notre désir se mêle au sien, même si nous n'en avons pas conscience. Nos pieds sont dans les traces de l'extraterrestre, si bien qu'au final, nous ne savons plus à qui sont les traces. La relation prend son sens dans cette approche de la différence. Cet acte vers autrui est toujours un pas à faire. »

Axel resta bouche-bée. «C'est une chose à laquelle je n'aurais jamais pensé! Et pourtant, il semblerait que ce soit moi qui ai écrit ça et effectué ce montage... »

Il lut alors la note du professeur en haut à droite: 14/20.

Il passa en revue les autres feuilles: uniquement des sujets de cours, parfois faits à l'ordinateur, parfois peints à la main. Mais il souhaitait surtout trouver des œuvres personnelles. Une peinture au milieu des autres qui ne contenait pas d'écriture au verso attira alors son attention. Il y était peint un homme dont le visage était trop sombre pour être distingué, qui gisait dans une mare de sang. En bas de la feuille était inscrit en lettres rouges: «Quand je suis mort» Il avait trouvé une œuvre personnelle.

 

 

 

«Qu'est-ce que c'est que cette horreur? Comment ais-je pu dessiner ma propre mort? J'avais vraiment de drôles d'idées. Suis-je un artiste incompris? En tout cas, l'artiste ne comprend rien à lui-même. D'ailleurs, plus je cherche qui je suis, moins je comprends qui je suis, et moins j'ai l'impression d'être qui je suis... »

Ce fut tout ce qu'il nota dans son journal car il se perdait dans le sens de ce qu'il écrivait.

Il se prépara deux œufs au plat et une assiette de purée qu'il avala rapidement, puis attrapa au vol sa veste accrochée au porte-manteau pour sortir. Direction l'université.

 

 

 

Il gara sa voiture dans le parking réservé aux étudiants. Il sortit et leva la tête vers les grands bâtiments qui l'entouraient, vers lesquels se dirigeaient de nombreuses personnes aux goûts vestimentaires très différents. Il lui fallait trouver le secrétariat d'Arts Plastiques afin de pouvoir consulter l'emploi du temps relatif à cette matière. Tandis qu'il avançait dans la cour bordée d'arbres et de bancs, il aperçut un bâtiment portant le nom de «secrétariat principal des lettres». Il ouvrit la lourde porte pour y entrer, mais la referma aussitôt en voyant le monde qui attendait son tour. Il trouverait par lui-même. Il continua alors son chemin en observant l'agitation des étudiants autour de lui, puis se rendit dans le bâtiment le plus près, qui était aussi le plus grand. Il pénétra dans un hall bondé. Il se dirigea vers une femme menue:

-Excusez-moi, savez-vous où je peux trouver l'étage des Arts Plastiques?

-Je suis désolée, je suis professeur d'Indie et je ne connais que mon étage, lui répondit-elle avant de s'en aller d'un pas pressé.

Il marmonna un remerciement et franchit les grands escaliers qui montaient vers le premier étage. Les murs du couloir étaient recouverts d'affiches qui indiquaient les emplois du temps et les notes de contrôles de telle ou telle matière. D'abord Anglais, puis Espagnol... Il monta alors à l'étage supérieur: Histoire, Sciences Humaines... Ce fut finalement au troisième étage qu'il trouva les affiches concernant les Arts Plastiques. Il sortit un cahier du sac qu'il avait emporté afin d'y noter son emploi du temps régulier. Puis il regarda sa montre: dix heures moins dix. Il mit le doigt sur son emploi du temps et lut à voix haute: «lundi, de dix heures à midi... histoire de l'Art, amphithéâtre 8. C'est parti».

Il se dépêcha de revenir au bout du couloir pour ne pas arriver en retard. Il lui suffisait de suivre les panneaux situés en hauteur concernant l'emplacement des salles. Le panneau indiquant les amphithéâtres 8, 9 et 10 comportait une flèche indiquant qu'il devait descendre à l'étage en dessous. Il s'exécuta et marcha jusqu'à une double porte très ancienne intitulée: «Amphi. 8». De nombreux étudiants attendaient devant. Il les observa les uns après les autres en espérant que l'un d'eux le reconnaisse et s'approche de lui. Mais cela n'arriva pas. Un homme d'un certain âge, très avenant, passa alors devant eux pour ouvrir la porte.

«Bonjour. Vous avez passé un bon week-end? Bonne chance à tous. »

Axel ne comprit pas pourquoi il leur souhaitait bonne chance mais prit place à une table.

Le professeur reprit tout en distribuant des feuilles à chacune des personnes assises dans la classe:

Le contrôle dure deux heures.

 

 

Il soupira. Le seul jour où il avait décidé de venir était le jour du contrôle continu. Il lit le sujet: «Que représente le souvenir pour vous? » Un hasard, bien évidemment. La seule chose qui lui échappait vraiment: le souvenir. Il avait heureusement emporté quelques feuilles de papier à dessin et sa trousse de matériel qu'il avait trouvée sur le bureau. On ne pourra pas dire qu'il était venu en touriste, même si c’était l'impression qu'il avait de lui-même. Il posa la feuille à plat sur la table et observa durant un instant sa blancheur immaculée. «Le souvenir». Il aurait peut-être eu des choses à dire sur le souvenir avec des mots grâce à son expérience personnelle, mais comment exprimer ce qu'on ressent par des images? «C'est comme si je tentais de raconter une histoire avec des signes. La communication est impossible, il manque la liberté que procurent les mots, qui sont les seuls capables de décrire un sentiment», se dit-il. Il soupira. Il lui vint alors une idée. Le souvenir n'évoquait pas que des mots dans sa tête, mais aussi des images. Il fallait qu'il exprime ce que le souvenir évoquait comme images pour lui.

Il tourna la tête pour regarder les autres étudiants. Certains utilisaient de la peinture, d'autres des crayons... Il prit un pastel noir et épais dans sa trousse. Il se dit que se serait plus simple pour commencer étant donné l'épaisseur du trait.

Il fit le vide dans son esprit et ferma les yeux un moment. Le néant. Car c’était ce que représentait le souvenir pour lui. Il se dit que pour être honnête avec le professeur il devrait barbouiller entièrement la page de noir et écrire: «Voilà ce que représente le souvenir pour moi. Un trou noir. Désolé mais vous posez cette question à un type qui est amnésique et qui a autant de souvenirs qu'un bébé d'une semaine» Il rit en son for intérieur tout en s'imaginant l'expression du correcteur devant sa feuille. Puis il s'en voulut de son manque de concentration. Il relut le sujet: Que représente le souvenir pour vous?

Il exagérait. Il avait des souvenirs. Enfin, si l'on considérait que les rêves sont des souvenirs. Toutes les choses qui lui étaient arrivées après son amnésie étaient aussi des souvenirs, mais ils représentaient une si petite partie de sa vie et étaient si insignifiants -manger, regarder la télévision, dormir- qu'il ne les prenait pas vraiment en compte. Pourtant, chacun des moments depuis son réveil était gravé dans sa mémoire. Le médecin, ses grands-parents... Étrangement, il lui semblait pouvoir les consulter comme il consulterait un livre. Les paroles qui avaient été dites, les moindres gestes ou expressions... Les images défilaient dans sa mémoire avec une clarté et une précision déroutantes. Il réalisa alors... Il fronça les sourcils. Il n'y avait pas pensé. Il avait soudainement compris qu'il avait un avantage sur les autres dans une branche telle que le dessin ou la peinture. Il lui suffisait de reproduire les images que lui renvoyait son esprit d'une clarté inégalable. Bien sûr, pour ce faire, aussi fallait-il qu'il ait un bon coup de crayon; ce qu'il espérait, car le talent artistique ne s'invente pas.

Il fit un effort de visualisation en plissant légèrement les yeux. L'image de l'Egyptienne se superposait en transparence à la feuille vierge posée sur son bureau, de telle sorte qu'il voyait deux mondes simultanément, celui de son esprit et celui de la réalité. Il ne pensait pas à ce qui lui arrivait, mais vivait seulement ce qui lui arrivait, dans un état second inconnu et envoûtant dans lequel tout son être était immergé. Il n'avait plus conscience de l'amphithéâtre, des élèves, ni même du contrôle. Tout son être était concentré sur le visage de la jeune femme comme si c’était la seule chose qui existait.

Lorsqu'il sentit le contact du sol se matérialiser comme soudainement sous ses pieds et que son regard embrassa les environs, sa main tremblante saisit le dessin sur sa table. Les longs cheveux d'ébène, les grands yeux cerclés de noirs, le rouge de la bouche... sur fond d'un décor intérieur de palais d'Egypte Ancienne aux couleurs chatoyantes. Le portrait de l'Egyptienne de ses rêves était si vivant qu'il s'attendait presque à la voir cligner des yeux. On aurait dit une photographie. Il était bouche-bée devant ce qu'il avait lui-même accompli. Il n'avait pas vraiment l'impression que c’était lui qui avait fait ce dessin, comme s'il avait vécu un moment d'absence. Il regarda sa montre et vit qu'il lui restait une demi-heure, ce qui voulait dire qu'il s'était déjà écoulé une heure et demie! Il lui semblait pourtant qu'il venait à peine de s'asseoir. Il se remit de ses émotions pour entreprendre de rédiger un commentaire de son dessin comme il l'avait vu sur ses autres œuvres dans sa chambre. Que pouvait-il bien écrire? Il décida de laisser parler la vérité.

«Un matin je me suis réveillé et la seule chose dont je pouvais me souvenir de vingt-cinq années d’existence, c’était ce visage. Il ne flottait pas dans ma mémoire ou quoi que ce soit; il était dans mes rêves. Je n'ai aucun mérite si le dessin est précis: il m'a suffi de reproduire bêtement l'image de mon esprit. Je suis donc dénué de la moindre créativité ou imagination. J'aurais aimé vous présenter une œuvre profondément originale en réinventant pour vous la définition ordinaire du mot souvenir, mais nul ne peut discourir sur un sujet qui lui échappe. Je pense néanmoins répondre au sujet du contrôle en vous proposant ma conception personnelle du souvenir actuellement, même si j'ai conscience que celle-ci perd tout son sens hors du contexte incohérent et incompris de mon esprit. En espérant que mon devoir saura être rejeté pour son hors-sujet mais apprécié pour sa sincérité (je vous aide un peu pour la note).»

En se levant pour apporter son dessin au professeur il vit des regards en coin admiratifs se poser sur sa copie. Le professeur saisit sa feuille et le dévisagea avec curiosité.

«C'est très réussi, lui dit-il les yeux brillants, même si je ne vois pas beaucoup le rapport avec le souvenir.

-Vous comprendrez grâce au commentaire... peut-être. »

En sortant de la salle, il s'adossa au mur en pensant à la facilité étonnante avec laquelle il avait accomplit un dessin d'une grande beauté, en se mettant dans un état qu'il pourrait qualifier de transe.

Tandis qu'il demeurait ainsi en pleine réflexion, une main se posant sur son épaule le tira de sa rêverie.

-Salut Axel. Tu vas bien? Ça fait un moment que je ne t’ai pas vu.

Un garçon de son âge grand et assez baraqué, aux yeux très bleus, se tenait à ses côtés.

-Salut... bredouilla-t-il, surpris. Qui...

-Où t'étais passé? Je pensais que tu avais arrêté les cours! Tu as réfléchi comment tu vas faire pour le contrôle final?

Comme Axel restait sans voix, le jeune homme fronça les sourcils:

-Qu'est-ce qu'il y a? Je te trouve bizarre.

-Eh! bien... il faut que je te raconte quelque chose. Mais pas ici.

-Si tu veux... on va prendre un verre au café en face de la fac. Tu m'inquiètes, j'espère qu'il n'y a rien de grave.

-Allons-y. Je te raconterai.

Ils marchèrent ainsi silencieusement puis, une fois assis:

-Est-ce qu'on se connaît bien? lui demanda Axel.

Son ami éclata de rire:

-Qu'est-ce que c'est que cette question! On se connaît comme des collègues de classe, qu'est-ce que tu veux que je te réponde! Tu me fais une crise d'amnésie ou quoi?

Axel baissa la tête:

-Je sais que ça peut sembler difficile à croire...

Il lui raconta alors le peu qu'il savait de son accident et des répercussions que cela avait eut sur sa mémoire. Il ne garda pour lui que ses rêves. C'était son secret, et il n'avait envie de partager cela avec personne. Pour l'instant.

-Je suis vraiment désolé, Axel, je ne m'attendais pas du tout à ça. Si les cas d'amnésie partielle sont relativement fréquents, ceux d'amnésie totale sont très rares! C'est très surprenant...

-Tu t'appelles comment?

-Euh! ... oui, pardon... Raphaël.

-Enchanté, si on peut dire.

-Et quant à ta famille, elle ne t’a pas aidé à recouvrer la mémoire?

-Là aussi tu vas avoir du mal à me croire, d'ailleurs j'ai du mal à le croire moi-même. On se croirait dans un film. Figure-toi que le médecin m'a dit que mes parents sont morts dans un accident de voiture pendant que j'étais dans le coma.

Raphaël resta silencieux. Puis:

-Ton histoire, on dirait un complot, si tu veux savoir.

Axel eût un petit sourire amer:

-C'est vrai. Comme si quelqu'un avait tout fait pour que je ne me souvienne de rien. Cependant, mon grand-père a pu m'aider. Enfin, il m'a parlé de mon enfance et de ma personnalité. Mais il ne savait pas trop ce que je faisais de mes journées, si tu vois ce que je veux dire.

-C'est sûr que s’il ne participait pas beaucoup à ta vie, il ne peut pas t'éclairer dessus. Et tu n'as jamais eu de flash-back ou quelque chose de ce genre?

-Non. Pour moi, rien n'existe avant mon réveil dans cet hôpital. Les gens que je vois ne me rappellent absolument rien. Même mes propres parents, c'est triste...

Son ami le regarda avec compassion.

-Je te voyais seulement ici, à l'université. Nous ne nous sommes même jamais échangés nos numéros de téléphone. Je pense que la majorité des relations que tu entretenais avec ceux de la classe étaient assez superficielle, comme c'est le cas pour beaucoup d'entre nous. Tu sais, ici, si on n'a pas de contact en dehors des cours, on n'a aucun accès à la vie personnelle de chacun. En plus, des étudiants arrêtent les études ou changent de voie tous les jours.

-Oui, je comprends. Quoi qu'il arrive aux gens, personne n'est jamais au courant.

Ils restèrent un moment face à face, sans parler. Axel brisa le silence après ces quelques instants:

-En tout cas, je te remercie de m'avoir écouté. Ca fait du bien de se confier à quelqu'un. J'espère que je ne t'ai pas trop embêté avec mes problèmes.

-Pas du tout! s'indigna son ami. Ecoute, je te donne mon numéro, et donne-moi le tien, au cas où tu n'oserais pas m'appeler. Si je peux te changer un peu les idées...

Axel acquiesça d'un mouvement de tête:

-Merci, c'est gentil. Je peux peut-être te déposer quelque part?

-Non, ça va aller, ma voiture n’est pas garée loin.

Ils se quittèrent en s'échangeant un sourire.

Axel n'eût pas le temps de ressentir pleinement sa solitude qu'il aperçut au loin quelque chose qui le troubla plus que tout ce qui aurait pu le troubler encore dans ce monde.

Quelque chose que ses yeux ne pouvaient pas croire. Rêvait-il?

L'Egyptienne de ses rêves marchait tranquillement sur le trottoir d'en face, comme si cela était seulement possible. Lorsque leurs yeux se croisèrent l'espace d'une seconde qui lui sembla infinie, il sut que pour la première fois, ils étaient réunis dans la réalité. Sa réalité.

 

 

 

 


 

CHAPITRE 3

 

 

Il avait reconnu son visage. Elle avait l'air d'une étudiante comme les autres, vêtue d'un jean bleu clair et d'un pull-over vert amande. Mais son visage rayonnait d'une telle beauté sous sa riche chevelure brune, qu'il était impossible de ne pas la remarquer au milieu de la foule. Son regard l'avait transpercé en un éclair, cependant il n'avait pas eu le temps d'y lire le moindre sentiment. L'avait-elle reconnu? Il voulut l'appeler, courir vers elle, même s'il ne savait que lui dire, mais il ne put réagir. Il était comme pétrifié, perdu entre toutes les questions qui se bousculaient à son esprit, paralysé par ses propres pensées. Ce fut seulement lorsqu'elle disparut de son champ de vision qu'il eut le réflexe de se lancer à sa poursuite.

Mais il était déjà trop tard. Elle avait passé le portail de l'université et s'était mêlée au reste des étudiants.

Il regardait autour de lui, en tentant désespérément de comprendre ce qui lui arrivait. Comment donner un sens à ce qu'il avait vu? Etait-ce une hallucination?

«J'ai la curieuse impression que ma vie n'est qu'un jeu étrange dont je ne connais ni ne comprend les règles, et dont je suis le pion avec lequel un joueur avance sur les cases. Mais qui est le joueur? Voilà ce que j'écrirai dans mon journal en rentrant», se surprit-il à penser.

Un beau jour, voilà qu'il s'est réveillé dans ce monde la mémoire effacée, des parents décédés, et des rêves davantage réels que la réalité elle-même. Et aujourd’hui, comble de tout ce qu'il a déjà pu vivre, il voit la personne qui hante ces rêves dénués de toute logique, à quelques mètres de lui. Marcher avec insouciance.

Une rage l'envahit soudain: «Je parviendrai à donner un sens à tout cela. J'y parviendrai! »

La vue de la jeune fille avait engendré une sensation étrange qui se propageait davantage en lui à chacun de ses pas. Une sensation inexplicable, comme une obsession. Il avait besoin d'être près d'elle.

Sur le chemin du retour, il subissait ce sentiment étrange sans chercher à le comprendre. Lorsqu'il passa la porte de chez lui, il s'allongea sur son lit. Il fallait qu'il dorme.

C’était le seul moyen de la retrouver.

 

 

Il était dans son rêve. Il n'était pas conscient de rêver mais avait l'impression de regarder un film dans lequel il aurait eu le premier rôle.

Lui et la jeune femme étaient assis à une magnifique table finement ciselée, l'un à chaque bout de la table. Ils mangeaient silencieusement. Puis elle murmura, comme si elle était honteuse de rompre un silence si sacré:

-Je me sens un peu loin de toi.

-On mange toujours ainsi, lui répondit-il froidement.

-Je sais, mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne puissions pas changer nos habitudes.

Le grincement de la chaise lui fit lever les yeux de son assiette. Elle était en train de la déplacer pour venir s'asseoir à côté de lui.

D'habitude, il aimait ses petites excentricités qui pimentaient sa vie trop prévisible. Mais à cet instant, elles l'agaçaient. La vérité, c’était qu'il était de mauvaise humeur parce qu’il était préoccupé, et tout l'agaçait. Principalement ce qu'il considérait habituellement en elle comme des qualités.

Mais elle était trop délicate, trop naïve, trop fragile aussi pour s'en rendre compte.

Il prononça son nom, et cela lui provoqua de la douleur, car ce simple nom évoquait avec lui tous les souvenirs qu'il lui avait associés:

«Oshairana...»

Elle posa les yeux sur les siens au ton de sa voix. Il y lut un mélange de crainte et de tristesse. Elle le connaissait si bien. Il reprit alors en baissant la tête pour éviter de croiser son regard:

-Oshairana, je me dois de te dire quelque chose d'important, qui risque de te déplaire profondément, cependant...

Elle l'interrompit en posant sa main sur son genou.

-Non.

Tout en gardant la tête baissée bien qu'il fut interloqué, il l'interrogea:

-Non quoi?

 -Non, je ne veux pas savoir.

-Mais je dois vous le dire, je n'ai pas le choix. Rien ne pourra désormais plus être comme avant, il faut que tu comprennes...

Elle se leva brusquement, et dit avant de claquer la porte, sur un ton autoritaire qu'il ne lui connaissait pas:

-Non, je refuse!

Une fois seul, par colère, il saisit le plat posé sur la table et le jeta de toutes ses forces contre le mur. Son regard resta figé sur les brisures éparpillées sur le sol.

 

 

Droits d'auteur des textes protégés. Toute reproduction partielle ou totale est strictement interdite et passible de poursuites judiciaires.

 


 

 


 
 
posté le 25-02-2009 à 12:51:06

HORS DU TEMPS:Résumé

 

SYNOPSIS DE HORS DU TEMPS

 

 

Axel est un jeune homme de vingt-cinq ans dont l'existence bascule du jour au lendemain à cause d'un accident le laissant totalement amnésique. Il souhaiterait connaître qui il est vraiment, mais nul ne semble pouvoir l'y aider, ses parents étant eux-mêmes décédés durant ses nuits passées à l’hôpital. Hasard ou coïncidence?

Des rêves étranges le hantent, ayant lieu à l'époque de l'Egypte Ancienne, et relatant une histoire d'amour avec une jeune Egyptienne; si bien qu'il commence à confondre rêve et réalité.

Jusqu'au jour où... il rencontre celle qui habite ces rêves. Cependant, ces derniers vont vite tourner au cauchemar tandis qu'une impossible vérité se dévoile. Axel est alors pris au piège dans un monde d'illusions et de secrets, qui ne connaît pas les limites de l'imagination et atteint les sommets de la magie. Toute cette histoire n'étant que le fruit... d'une passion éternelle.

 

 


 
 
posté le 25-02-2009 à 01:21:30

HORS DU TEMPS: Préface

Le jardin d’Oshairana

 Le Jardin d'Oshairana tel que je l'imagine (vous comprendrez quel est ce jardin au fil de votre lecture)

 

 

Je vais vais vous présenter l'un de mes romans, qui s'intitule "Hors du temps". Je vous en propose les deux premiers chapitres, le début du troisième ainsi que des extraits choisis.

 

 

 


Commentaires

 

1. lafianceedusoleil  le 25-02-2009 à 06:41:58  (site)

bonjour,
bienvenue chez Vef et bonne chance.
Passe un bon vendredi.
A+
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2. annielamarmotte  le 25-02-2009 à 09:41:37

bienvenue

 
 
 
 

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